Projet Scientifique adopté en assemblée générale
le 2 Juillet 2024
Depuis 1995, l’EVCAU (EnVironnements numériques, Cultures Architecturales et Urbaines) questionne les démarches de conception architecturale, urbaine et paysagère, et leurs transformations. À la convergence des enjeux écologiques, de société et de santé, et au regard du contexte de crise actuelle, l’unité de recherche s’engage dans une approche des problématiques de la « conception » - au sens étendu du terme - dans leur complexité, en croisant les approches disciplinaires, temporelles, dans leurs dimensions multiscalaires et multifactorielles.
Le projet scientifique de l’EVCAU assume un champ d’investigation élargi de l’architecture, structuré par des axes thématiques tels que : “Architecture et Numérique” ; “Transitions : Histoire, Ecologies et Matérialité des Architectures” ; “Architecture, Santé et Vulnérabilités” et “ Systemic Design et Écologies Projectives" .
Au-delà de ce paysage diversifié du laboratoire, se reconnaissent des “aires d’investigation” ou “champs problématiques”, qui font commun, et en lesquelles notre communauté de chercheuses et de chercheurs est en mesure de s’incarner tout entière.
Nous distinguons ci-après trois de ces “aires”, faisant droit au contexte général dans lequel nous opérons, à la nature et aux formes des pratiques de projétation, comme de l’activité scientifique telles que nous les entendons dans le monde particulier de la recherche en architecture.
En formant des plages d’interface entre les axes du laboratoire, ces “aires” invitent aux transversalités, au travail en commun, pour conjuguer nos forces afin d’aborder la complexité des problématiques contemporaines, et lever des verrous scientifiques actuels.
I - Les aires d’investigation du projet scientifique
A _ Ecoumènes et milieux à l’ère de l’Anthropocène
L’EVCAU, sensible à la crise du modèle de représentation naturaliste du monde, s’inscrit dans une quête de lucidité partagée à l’endroit de la crise anthropocénique, en conscience du déploiement des régimes de temporalités, et de l’inter/trans/pluri-disciplinarité dans lesquels nous nous inscrivons.
Dans les milieux - ou écoumènes - au sein desquels ville et architecture font projet, où cohabitent vivants humains (et autres qu’humains), les chercheurs de l’EVCAU travaillent à la reconnaissance des enjeux éthiques associés à la prise en compte du déjà-là “matériel”, au soin apporté aux personnes, ou à la question des déchets comme des ressources. Ces fragilités désignent une politique de vulnérabilité, mais elles sont également le gage de pratiques alternatives de l’innovation, au titre de travaux variés traitant des enjeux écologiques, climatiques et matériels d’aujourd’hui.
Notre démarche de recherche s’inscrit dans un large spectre temporel et spatial. Elle nous invite à poser un diagnostic sur l’état présent des choses. Une telle méthode n’interdit ni d’interroger l’histoire pour mieux appréhender le présent, ni d’envisager l’avenir, en scénarisant des possibles. (réalités virtuelles et/ou augmentées ; humanités [et plus qu’humanités] numériques).
B _ Les écologies de la conception
La communauté scientifique de l’EVCAU se reconnaît dans la théorie, les cultures et les activités de la conception qui sont à l’origine de la formation et des pratiques architecturales, urbaines et paysagères. Ces activités sont tout particulièrement affectées par les transformations contemporaines : changements climatiques, limitation des ressources, mutations environnementales, transition numérique, sociale et politique, ainsi que leurs impacts sur l’habitabilité du monde.
Nous partons du principe que nous ne pouvons plus concevoir ou penser l’activité de conception “comme avant”. Il s’agit pour nous de défendre “une écologie de la conception”, soit un système d’interactions entre des acteurs, des objets et un milieu, qui font écologie. Ce système holistique et écosystémique prend en compte la complexité des environnements.
Cette écologie de la conception amène les chercheurs de l’EVCAU à s’intéresser, entre autres, à la conception bioclimatique, aux éco-jumeaux numériques, au bio-numérique, à l’énergétique ou encore aux analyses du cycle de vie. Nous investiguons ainsi les outils issus de l’ingénierie, qui placent l’architecte en situation de croiser des connaissances disciplinaires (développements paramétriques, exploitations de bases de données, outils de visualisation et d’analyse, intelligences artificielles, cartographie, etc.).
Les chercheurs de l’EVCAU s’intéressent également aux environnements thérapeutiques, en valorisant un écosystème général de l’habiter, de l’habitabilité des milieux par l’architecture, et de la santé en particulier.
Nous nous intéressons enfin à l’existant comme ressource, du matériau au territoire, en passant par l’échelle bâtie, pour poser la question du processus de conception, de construction et de transformation.
C _ Épistémologies et méthodologies de la recherche architecturale
Les chercheurs de l’EVCAU ont en commun d’interroger ce que peut être une activité de recherche en école d’architecture et/ou une recherche architecturale.
Ce qui nous importe, est de penser ensemble la recherche architecturale, en s’appuyant sur un appareil épistémologique et des outils méthodologiques adaptés.
Les chercheurs de l’EVCAU s’intéressent tout particulièrement à la science architecturale, à travers un travail interrogeant tant la théorie de la connaissance autour de la recherche architecturale que ses mises en applications plurielles.
L’entrecroisement des pratiques de la conception et de la recherche à proprement parler sont variables, selon qu’elles circulent entre visées rétroactive et proactive du projet, et visées rétrospective et prospective de la science. Elles sont traduites par des recherches en/sur/par/avec l’architecture. La variété de ces approches, leurs hybridations et leur capacité à générer des collaborations intéressent tout particulièrement l’EVCAU.
Les méthodologies plurielles issues des différents champs méthodologiques convoqués ont pour but de croiser les regards et approches. Ainsi, la mise en place d’outils d’aide à la conception ou à la décision rencontre la recherche en archive et la recherche monographique, elle-même complétant un travail de modélisation qui croise le travail de relevé des bâtiments et accompagne d’autres formes d’enquêtes de terrain. En parallèle, l’expérimentation constructive à l’échelle 1 met en relation la manipulation par le projet et activités de conceptualisation.
Le projet scientifique de l’EVCAU vise à croiser les compétences, à confronter les protocoles et à multiplier les interfaces entre les différentes disciplines et les acteurs et actrices qui viennent coopérer au sein de notre communauté plurielle, que l’on peut envisager dans son éclectisme tel un écosystème analogue à l’entière société de la recherche architecturale.
II – Les axes thématiques
Les “aires d’investigations” ou “champs problématiques” partagés par l’ensemble de la communauté EVCAU, sont accompagnés d’un positionnement de chacun des quatre axes thématiques de l’unité.
Voici le contenu des quatre axes thématiques de l’EVCAU :
Axe thématique 1 : Architecture et Numérique (AN)
L’axe Architecture et Numérique est l’axe historique du laboratoire EVCAU qui, depuis sa création investit les méthodes et des modèles de conception architecturale à l’ère des processus numériques et des modèles génératifs entrainés par les données.
A toutes les échelles, du corps à la maison, à la ville, les données sont le support d’interprétations et de modélisations d’organisations humaines qui enrichissent les méthodologies d’investigation expérimentale et théorique. L’usage des données soulève des questions fondamentales d'éthique, de politique mais aussi créative que l’axe interroge, de manière critique, dans le champ de la recherche en architecture.
Les chercheurs de l’axe expérimentent aussi des outils et des méthodes issues des nouveaux modèles d'organisation du Vivant, ou encore les modes analytiques et génératifs artificiels cultivés par les sciences des données et le champ de l’intelligence artificielle. Ces travaux permettent d’envisager de nouveaux “modèles” de conception, plutôt qu’un modèle de projet : modèle d’analyse, modèle de simulation, modèle de génération.
Ces évolutions engendrent divers facteurs de transformation, notamment l'acquisition et la modélisation de l'information, la gestion et le partage des données, l'association de données, de calculs et de simulations, ainsi que les échanges et la collaboration entre les acteurs.
Ces différentes approches créent un contexte problématisé qui s'inscrit dans une continuité épistémologique en résonance avec les problématiques des autres axes du laboratoire EVCAU. Ces recherches mobilisent donc des champs disciplinaires multiples et des méthodologies partagées ou complémentaires combinant des approches quantitatives et qualitatives fondamentales pour l’étude de la conception et de la perception des espaces générés. Elles englobent des recherches appliquées visant à enrichir les pratiques professionnelles, mais aussi des recherches qui nourrissent les connaissances théoriques liées aux démarches de projet ou aux processus inventifs.
Les chercheurs de l’axe sont à l’initiative de plusieurs conventions de partenariat avec des établissements d’enseignement et de recherche dans son environnement immédiat, mais également à l’échelle régionale, nationale et internationale. C’est dans ce contexte que l’axe a pu développer ses recherches notamment dans le cadre de la chaire partenariale ARCHITECTURE & INTELLIGENCES dédiée aux recherches et à la valorisation des modèles de conception architecturale et urbaine.
Axe thématique 2 : Transitions : Histoire et Ecologies des Modèles Architecturaux (THEMA)
Les chercheurs de cet axe étant convaincus que la transformation de l’existant est un levier majeur pour la transition écologique - à l’ère de la lucidité anthropocénique - ils en font l’objet principal de leurs recherches en l’accompagnant d’une compréhension du passage entre la théorie et la pratique, entre le discours, le récit et la réalité.
L’existant est perçu comme ressource, étudié du matériau au grand territoire, en France comme à l’international. Il est analysé au prisme des processus de conception (pensées, outils, acteurs, livrables), des constructions (programme, écologie, économie, projet, chantier, énergie) et des transformations (modèles et transmissions, doctrines, palimpsestes, reconstructions, réversibilités, réemplois, bio et géo-sourcés).
Nous cherchons également à identifier différents modèles et les controverses qui les accompagnent, posant la question de l’impact de la transition écologique sur l’architecture, la ville et le territoire, mais aussi sur l’histoire, l’enseignement et la recherche.
Cet axe fédère les chercheurs de différents champs disciplinaires (historiens, architectes, sociologues, urbanistes, ingénieurs…) qui convoquent des outils et méthodes différents, propres à la connaissance de l’existant (sources archivistiques et orales, relevés/(re)dessins manuels et numériques, enquêtes de terrain, diagnostics…)
Axe thématique 3 : Architecture, Santé, Vulnérabilités (ASV)
Depuis sa création en 2015, l’Axe Architecture, Santé, Vulnérabilité, est l’une des principales équipes de la recherche architecturale portant sur ces thématiques extrêmement sensibles. Cette activité s’appuie sur des réseaux et des collaborations qui déploient cet axe : il mobilise de nombreuses personnalités-ressources et de nombreux partenaires dans le monde de la santé dont : l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ; l’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille AP-HM ; l’Université Paris Cité, notamment sa Faculté de Santé, unique en France, leader en Europe, le CHU de Reims, le CHU-Hôtel Dieu de Nantes, le Centre Hospitalier Mémorial France Etats-Unis de Saint-Lô, ou encore le Centre d’Accueil et de Soins Hospitaliers de Nanterre.
Les membres de cet axe, chercheurs confirmés ou doctorants, sont aussi bien architectes, ingénieurs, designers, médecins, directeurs d’hôpitaux, historiens, paysagistes, urbanistes, sociologues, anthropologues.
Cet axe développe des partenariats grâce au déploiement de programmes de recherches financés et de soutien à la recherche doctorale et postdoctorale. De plus, l’axe travaille en synergie avec la Chaire partenariale « Architecture, Design, Santé », ARCHIDESSA, labellisée, conventionnée et financée (2020) par le ministère de la Culture, cofondée par l’AP-HP, la Fondation de l’AP-HP, l’ENSA PVS, le Laboratoire EVCAU et l’École Camondo.
L’axe thématisé “Architecture, Santé, Vulnérabilités” développe des recherches sur les processus de conception architecturale multiscalaire et leurs transformations dans le temps en s’interrogeant sur les multiples relations entre l’urbanisme, le paysage, l’architecture, le design, l’environnement et leurs qualités thérapeutiques. Il veut fournir une vue d'ensemble des théories et des pratiques de l'architecture en encourageant l'élaboration de méthodes appliquées à la question de la santé, des humanités médicales, de l’hospitalité et des vulnérabilités. Ainsi, l’axe produit des connaissances et des projets inédits relatifs au prendre soin des milieux (naturels, construits, sociaux…)1, assumant le caractère polysémique et inclusif de cette notion. A l'instar de Sandra Laugier2- il s'agit de penser la réduction des vulnérabilités individuelles ou collectives dans les espaces habités, mais aussi de considérer et de prendre en compte que les architectures et les espaces construits ou naturels peuvent eux-mêmes être plus ou moins fragiles et menacés. Aujourd’hui, avec les nouvelles crises, l’urbanisme, le paysage, l’architecture et le design doivent à nouveau, chacun à leur échelle, réinterroger leurs relations réciproques, leurs interactions et interdépendances, avec la santé.
Axe thématique 4 : Écologie Projectives Thérapeutiques des Ecoumènes Humains et Systemic Design (EPSD)
Les recherches de l'Axe "Écologies projectives & Systemic Design" se focalisent sur la question de la génétique des formes et des organisations des territoires habités qu’il s’agisse de grands territoires, agglomérations urbaines ou édifices, et leurs soins. L’approche morphogénétique vise à expliquer l'apparition-disparition ou transformation des écoumènes humains et les dynamiques anthropologiques, politiques et économiques sous-jacentes. Aussi, le phénomène architectural/architectonique est considéré comme un phénomène éco-systémique artefactuel dont les processus de genèse sont en tous points similaires à ceux de la nature c'est-à-dire comme une émergence (formation) produite par l’interaction d’un système de facteurs croisés et interdépendants (Évolution Darwinienne).Notre démarche tente ainsi de réactualiser le rapport anthropologique nature/culture dans l’espoir de réanimer la conception vitruvienne de l’architecture comme totalité encyclopédique. Pour ce faire, elle pose comme un impératif scientifique premier, la constitution d’un objet théorique distinct des phénomènes observables, permettant de les saisir dans leur diversité comme dans leur similarité.
La finalité des recherches engagées dans cet axe est de forger des objets de connaissances permettant d’opérer sur quatre niveaux :
1° Décrire et expliquer les phénomènes divers d’édification et d’aménagement des territoires et leur complexité.
2° Proposer de nouveaux outils systémiques projectifs offrant la possibilité d’initier d’autres manières de concevoir le projet architectural et territorial, impliquant toutes ses composantes, les modes de son évaluation et de sa gouvernance.
3° Décrire les dysfonctionnements et les lois des interactions cognitives et physiques entre humains, écoumènes et milieux ;
4° Mettre en place des stratégies thérapeutiques spécifique adaptées à chaque milieu / écoumène humain- non humain.
III – Les actions de recherche
Les actions de recherches menées par l’unité de recherche EVCAU ont pour ambition de lever les verrous scientifiques liés à la mise en relation entre les axes thématiques, les aires d’investigations et des projets de recherches spécifiques. Ces projets de recherche sont co-construits par les membres de l’EVCAU en fonction de leurs compétences spécifiques.
Les actions de recherches (en cours et à venir) de l’EVCAU se situent donc au croisement entre les aires d’invariances et les axes thématiques.